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Dans un arrêt TF 6B_457/2023 rendu le 11 mars 2024, le Tribunal fédéral a été amené à examiner l’articulation entre les conséquences d’une notification irrégulière d’une ordonnance pénale et le principe de la bonne foi.

FAITS

Un ressortissant français a été condamné par ordonnance pénale du 25 septembre 2020 à une peine de 180 jours-amende à 90 francs par jour.

Dans un premier temps, ladite ordonnance a été envoyée au prévenu à l’adresse indiquée par le prénommé ; le pli recommandé a été retourné au ministère public avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Le 2 décembre 2020, le ministère public décide de notifier ladite ordonnance par publication dans la feuille d’avis officielle genevoise (FAO), alors qu’à cette date l’intéressé se trouvait en détention provisoire dans le canton de Vaud.

Le 30 juillet 2022, l’intéressé a été incarcéré le 30 juillet 2022 pour exécuter sa peine convertie en 179 jours de peine privative de liberté faute de paiement de la peine pécuniaire dans le délai imparti par le service de l’application des peines et mesures (SAPEM).

L’intéressé, qui n’était vraisemblablement pas au courant de cette ordonnance pénale, a ensuite demandé au SAPEM par le biais de son avocat à quelle condamnation correspondait la conversion de la peine pécuniaire.

En date du 14 novembre 2022, l’ordre d’exécution mentionnant les peines exécutées a été transmis à l’intéressé par le biais de son avocat.

En date du 3 janvier 2023, l’intéressé a formulé par écrit une opposition auprès du ministère public en se référant à l’ordonnance pénale du 25 septembre 2020, alors même qu’il n’avait pas eu connaissance du contenu exact de l’ordonnance en question.

DROIT

Premièrement, le Tribunal fédéral rappelle qu’il appartient au ministère public, avant de pouvoir envisager une notification par voie édictale au sens de l’art. 88 CPP, d’entreprendre des démarches approfondies pour localiser le prévenu et d’effectuer toutes les recherches que l’on peut raisonnablement attendre de sa part à cet égard (ATF 148 IV 362 consid. 1.2).

Secondement, le Tribunal fédéral rappelle que même si la notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (cf. ATF 141 I 97 consid. 7.1), une telle décision n’est pas nulle lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité et qu’il y a lieu de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation d’un vice de forme (cf. ATF 122 I 97 consid. 3a).

CONCLUSION

Le Tribunal fédéral confirme que la notification par voie édictale décidée par le ministère public, alors qu’il savait que le recourant avait été interpellé puis placé en détention provisoire par les autorités pénales vaudoises, était irrégulière.

Toutefois, le Tribunal considère que cette irrégularité n’a pas entraîné la nullité de la décision pour les raisons suivantes.

Le Tribunal fédéral estime qu’il incombait à l’intéressé, en vertu du principe de la bonne foi, de se renseigner sur l’existence et le contenu des décisions en vertu desquelles il s’est trouvé incarcéré à compter du 30 juillet 2022 et qu’il devait se voir reprocher d’avoir indiqué, lors de son audition du 1er juin 2020, une adresse à laquelle l’ordonnance pénale en cause lui a été notifiée et à laquelle il s’est finalement avéré être inconnu, soulignant ainsi que ce dernier était à l’origine des difficultés procédurales auxquelles il s’est trouvé confronté.

En tout état, le Tribunal fédéral considère que l’échange intervenu par courriel avec le SAPEM en date du 14 novembre 2022 permettait à l’intéressé, assisté de son conseil, d’accéder à l’avis publié dans la FAO et au dispositif de l’ordonnance pénale litigieuse et qu’il était par conséquent à même de comprendre les circonstances de sa condamnation et de former opposition dès ce stade dans le délai légal de 10 jours ce même sans avoir eu connaissance du contenu exact de l’ordonnance en question dès lors que, conformément à l’art. 354 al. 2 CPP, l’opposition du prévenu n’a pas à être motivée.

Partant, l’opposition à l’ordonnance pénale déposée le 3 janvier 2023 par l’intéressé est considérée comme tardive.

NOTES

Cet arrêt souligne à nouveau l’obligation, découlant du principe de la bonne foi, de se renseigner sur l’existence et le contenu d’une décision même notifiée irrégulièrement dès que l’on peut en soupçonner l’existence, et en tout état d’agir rapidement dès que son existence est connue.

La situation d’une personne incarcérée suite à l’entrée en force d’une ordonnance pénale notifiée irrégulièrement dont le contenu n’est pas connu du prévenu n’est pas rare en pratique vu la tendance de certaines autorités à recourir à la notification édictale sans auparavant mettre tout en œuvre pour localiser le prévenu. Dans ce cadre, par mesure de prudence il est ainsi et cas échéant conseillé de former opposition dès que l’on a des soupçons sur l’existence d’une ordonnance pénale rendue à son encontre, sans même attendre d’avoir connaissance du contenu exact de l’ordonnance.

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